lundi 3 mars 2008

Les gens réagissent aux incitations

Une des premiers principes examinés lors d'un cours d'introduction à la microéconomie peut se lire ainsi : les gens réagissent aux incitations. Cette hypothèse assez forte sur le comportement humain se vérifie à tous les jours : les gens mettent de la monnaie dans les parcomètres car l'espérance du coût de l'amende est plus élevée que le coût du stationnement ; les étudiants font les exercices notés plus que ceux qui sont suggérés ; les vendeurs itinérants vendent plus lorsqu'on les rémunère en fonction des ventes, etc...

Un économiste, Richard B. McKenzie, a poussé cet argument plus loin, dans un article récent dans le Wall Street Journal : " So I heeded the suggestion of Tyler Cowen, an economist at George Mason University, and cooked up my own "Economist Weight-Loss Incentive Plan": I contracted with a friend to pay her $500 if I had not lost nine pounds at the end of 10 weeks. I and a witness (my friend's husband) signed the pact. My friend similarly obligated herself to take the payment and to spend it on herself. She affirmed her solemn pledge with her signature, witnessed by her husband (with a big grin)."

En fait, je soupçonne qu'un tel contrat est plus efficace qu'un plan "Weight Watchers" qui coûterait la même chose.

Un économiste de Yale, Dean Karlan, a récemment fait un pas de plus en créant une entreprise pour créer et administrer des contrats incitatifs pour atteindre des objectifs personnels : perdre du poids, cesser de fumer, de se ronger les ongles, etc...

Incidemment, M. McKenzie a perdu 5 livres de plus que ce qu'il s'était engagé à perdre.

Ces "intellectuels" qui nous influencent

Mario Roy signait aujourd'hui un éditorial dans la Presse, dans lequel il s'étonnait des propos récents de Marion Cotillard : "Comment des gens qui ont autant de talent, qui sont capables d'autant d'intelligence dans l'exercice d'un art donné, peuvent-ils en d'autres matières manifester un esprit aussi indigent?"

Justement. Marion Cotillard est une ACTRICE. Elle ne connaît probablement strictement rien à la politique, l'écologie (même si elle est porte-parole de Green Peace) ou l'économie. De toute évidence, Mlle Cotillard est plutôt une (jolie) tête de linotte.

De la même façon, Roy Dupuis n'est ni un héros militaire, ni un joueur de hockey mythique. Richard Desjardins, Sean Penn, Madonna ou Pierre Falardeau sont chanteur, comédien ou cinéaste subventionné. Sean Penn fait peut-être des millions, mais c'est parce qu'il a un talent d'acteur et sait se vendre. Pas parce qu'il est un expert de l'économie, de la géo-politique ou du terrorisme.

Malheureusement, beaucoup de gens accordent de l'importance aux opinions de ces personnes. C'est facile de prendre une position publique. Et payant au niveau des relations publiques. Les groupes ou partis politiques qui tentent de tirer parti de la célébrité d'un artiste qui les appuie, le font parce qu'il y a un intérêt mutuel. Mais ils le font aussi à leurs risques et périls (aimeriez-vous avoir été appuyé par Mlle Cotillard ?).

Les artistes peuvent avoir des opinions très fortes ou des intérêts personnels à défendre. Mais leur opinion ne vaut pas mieux que celle de n'importe qui. Ne l'oublions pas.

dimanche 2 mars 2008

Quelques réflexions sur la redistribution des revenus

Le temps des impôts approchant à grands pas au Canada, je vous propose un « thought experience » que je mène régulièrement avec mes étudiants, dans un cours d’économie du bien-être et de la taxation.

L’État nous oblige à lui verser à chaque année des sommes importantes sous toutes sortes de formes (impôts sur le revenu, taxes diverses, impôts sur la richesse foncière), dont une part importante ne sert pas à produire des biens « publics », mais est plutôt redistribué. Bien peu de gens remettent en question cette notion même de redistribution des revenus.

Mes discussions avec mes étudiants m’amènent à croire que le soutien à ces politiques (ou l’apathie généralisée) relève plus d’une forme de conditionnement ou d’habitude que d’un soutien théorique ou moral profond.

Voici comment j’approche le problème avec mes étudiants : en début de séance de cours, je propose à ma classe que l’on procède à une redistribution des points accumulés par chacun au cours du trimestre. Ainsi, ceux qui auront performé bien mieux que la médiane céderont des points à leurs collègues « moins fortunés ». La moyenne ne changera pas, mais les notes n’iront plus de E à A+. Les meilleurs ne pourront plus espérer qu’un B+ et les plus faibles obtiendront un C-.

Assez rapidement, « hell breaks loose » ! La plus grande part des étudiants sont en pétard face à ce qu’ils voient comme une injustice. Parmi leurs objections, notons :

« Je travaille fort. Ce sont mes notes. Pourquoi devrais-je en céder à ceux qui travaillent moins ? »
« On encourage ainsi le resquillage, i.e. certains travailleront moins fort et se contenteront d’un C-, aux dépens des autres »
« La moyenne diminuera, car tous feront face à des incitations moins fortes pour performer »

Et ils réalisent très vite que c’est ce qui se produit avec le système de taxes-redistribution. Les taxes ne sont pas neutres. Nous sommes collectivement plus pauvres lorsque l’État s’ingère dans nos vies en taxant ceux qui travaillent fort.

En fait, le cas des taxes est bien plus grave que celui des notes. En plus de diminuer l’incitation à travailler et à entreprendre, les taux marginaux de taxation élevés réduisent l’investissement sous toutes ses formes (en capital physique, en innovation et en éducation). Y aurait-il beaucoup d’étudiants à HEC si tous occupaient un emploi semblable et gagnaient la même chose, quelque soit la diplômation ? Mes étudiants, qui font face à un coût d’opportunité élevé en étudiant, ne s’y trompent pas.

Ce texte se retrouve aussi sur le blogue du Québécois libre : http://www.leblogueduql.org/2008/03/quelques-rflexi.html