mercredi 22 octobre 2008

Le mythe des retombées économiques

Un ajout à la dernière édition de Mankiw/Belzile, chapitre 14 (Principes de macroéconomie)

Un des mythes les plus enracinés dans la population concerne le bienfait économique des guerres. Après tout, le plein-emploi du milieu des années 1940 a suivi la Grande dépression des années 1930. Que faut-il en penser ?
Cet argument est celui des retombées économiques et il est généralement fallacieux. Toute dépense des gouvernements génère des retombées : en effet, si le gouvernement me donne 100 $, j'en dépense une partie. Quelqu'un d'autre recevra donc de l'argent et dépensera plus, etc.. C'est d'ailleurs le principe du multiplicateur, que l'on examinera dans le prochain chapitre. Le gouvernement devrait-il alors dépenser le plus possible pour augmenter la richesse collective ? La plupart des économistes répondraient sans doute "non", car il y a un coût d'opportunité à chacune des dépenses du gouvernement : éventuellement, quelqu'un devra payer pour ces dépenses, sous forme de taxes et d'impôts. En effet, les recettes fiscales proviennent de nos poches. Elles réduisent le revenu disponible des ménages et les dépenses privées. Si les dépenses du gouvernement représentent un fort pourcentage du PIB, les dépenses privées n'en seront que plus faibles.
Les guerres sont-elles bénéfiques pour l'économie ? Si le PIB réel canadien a fortement augmenté entre 1914 et 1918, puis entre 1940 et 1945, c'est parce que le gouvernement a augmenté ses dépenses sans augmenter les taxes. Il a donc diminué son épargne (T - G) et son solde budgétaire. Autrement dit, il a augmenté ses dépenses et remis l'augmentation des impôts à plus tard. Une telle politique stimule l'économie à court terme, mais quelqu'un devra payer un jour pour cette hausse des dépenses. À titre d'exemple, le ratio (dette fédérale / PIB) était d'environ 125 % en 1946, suite à la Seconde guerre mondiale : la génération d'après 1945 a été lourdement taxée en raison de l'endettement du gouvernement.
La conclusion est claire : à chaque fois que le gouvernement envisage de nouvelles dépenses, on devrait se demander si la valeur des ressources utilisées est inférieure ou supérieure à la valeur de ce qu'il produit. Un programme par lequel le gouvernement embauche la moitié des chômeurs pour creuser un immense trou, et l'autre moitié pour le remplir, sans augmenter tout de suite les impôts, fait augmenter la demande agrégée et le PIB. Même chose pour une guerre. Mais ces dépenses ne produisent rien d'utile. D'un autre côté, des dépenses publiques en infrastructures, en éducation, en recherche et développement auraient le même impact sur le PIB, tout en augmentant la productivité et le niveau de vie à long terme. Même chose pour une réduction des impôts. Et ces derniers choix augmentent le bien-être, ce qui n'est pas le cas de la guerre.