samedi 26 juillet 2008

Bombardier et les subventions aux entreprises

À partir d'un très bon texte de Pierre Lemieux sur les subventions à Bombardier, allez voir le débat intéressant qui suit sur les effets de telles politiques. Particulièrement, les commentaires de David. Tout cela nous ramène à Frédéric Bastiat (1801-185), qui a abondamment discuté de "ce que l'on voit et ce que l'on ne voit pas". Plusieurs de ses textes peuvent éclairer ce débat sur l'utilité de subventionner une activité, dont Les travaux publics et Un profit contre deux pertes.

Voici un commentaire que j'ai ajouté au fil de discussion :

Selon JNH, "En effet, ces subventions sont nécessaires. Aucune, je dis bien aucune industrie de la taille de Bombardier dans le domaine aéronautique ne peut se vanter de réussir sans subventions. Aux États-Unis, Boeing reçoit ses subventions sous forme de contrat de R&D militaire." Et selon Richard, "La plupart des autres constructeurs aéronautiques (Boeing, Airbus, Sukhoi..) dépendent des juteux contrats militaires pour rentabiliser leur branche commerciale, ce que Bombardier ne peut profiter (sic) de par l’absence d’une armée de l’air avec des poches sans fond...".

En fait, les subventions militaires n'ont pas grand chose à voir avec la concurrence en aviation civile. À moins que la recherche militaire subventionnée ne soit directement utilisable au civil par l'entreprise, les profits d'une branche militaire n'ont pas d'impact sur les profits de la branche civile. Comment pourrait-on comprendre qu'une firme qui fait, disons, 5 milliards en profits militaires, choisisse de perdre de l'argent dans le domaine civil ? C'est un peu comme si Toyota décidait que, comme elle fait des profits avec la production de voitures, elle va maintenant commencer à produire en plus des bicyclettes, alors qu'elle est certaine de perdre de l'argent éternellement dans ce domaine. Je ne pense pas que les actionnaires soient ravis de cette possibilité.

Le bottom line est simple : on produit des avions civils si c'est rentable, donc si la valeur des avions est supérieure à la valeur des ressources qu'on y consacre. Si la seule façon de le faire, c'est grâce à des subventions, on est en train de détruire de la valeur. On n'est certainement pas en train de devenir plus prospères... (sauf les actionnaires subventionnés de Bombardier).

Finalement, un mot sur la possibilité que la recherche militaire, de Boeing par exemple, ait pour effet de baisser ses coûts de production d'avions civils. Dans ce cas, on a affaire à une externalité de production positive : il est moins coûteux de produire deux types de biens qu'un seul. Pierre Lemieux m'a fait remarquer, de façon très juste à mon avis, que Boeing serait dans ce cas plus efficient et produirait des avions civils avec moins de ressources que Bombardier. La logique de l'avantage comparatif nous amène à une conclusion claire : que Bombardier aille faire autre chose.

mercredi 9 juillet 2008

À mort les cartels ? OK, mais tous ! (La Presse, 11 juillet 2008)

On discute ces jours-ci de la disparition éventuelle du système de gestion de l’offre des produits agricoles au Canada. Il y a quelques semaines, les journaux rapportaient que le Bureau de la concurrence avait mis à jour une conspiration contre le public, alors que 13 personnes et 11 entreprises ont été accusées d’avoir formé un cartel dans le marché de l’essence à Sherbrooke, Magog, Thetford Mines et Victoriaville. Quel lien y a-t-il entre ces deux événements ? Pour répondre à cette question, il est utile de comprendre ce qu’est un cartel.

Un cartel est un regroupement de producteurs qui s’entendent pour maintenir les prix élevés, en réduisant la concurrence. Ceci peut leur permettre d’augmenter leurs profits en émulant le comportement d’un monopole. Notons qu’un monopole et un cartel (qui fonctionne), c’est du pareil au même. Les deux conduisent à une réduction de la production et à une hausse des prix.

Évidemment, on a pu voir le public s’émouvoir d’un tel comportement chez les détaillants d’essence et réclamer plus de vigilance de la part du gouvernement, ainsi que des pénalités exemplaires pour les coupables. À raison, car la concurrence est essentielle au bon fonctionnement du marché.

Il y a, en fait, deux façons pour des producteurs d’obtenir moins de concurrence et plus de profits. Premièrement, ils peuvent tenter de former un cartel. Mais c’est compliqué, car les cartels sont instables et ... illégaux. En effet, une fois le cartel formé, chacun a intérêt à tricher, en profitant de la réduction de la concurrence des autres pour augmenter la sienne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les entreprises fautives dans le domaine de l’essence se situent là où le nombre de concurrents est faible : il est plus facile de s’entendre à cinq, en région, qu’à mille à Montréal. Et il y a toujours le danger de se faire prendre la main dans le sac.

Deuxièmement, les firmes peuvent former une association, financée par ses membres, qui fera du lobbying, afin d'obtenir une loi qui contraindra tout le monde à réduire la concurrence. D'où les lois sur la gestion de l’offre en agriculture. La gestion de l’offre, c’est très simple : pour produire un bien, le lait par exemple, il faut détenir un permis. On limite le nombre de permis, ce qui réduit la production et permet de maintenir des prix élevés. Comme le gouvernement impose lui-même le système des quotas, par la coercition, tout est réglé.

Il est particulièrement cocasse de voir que les entreprises pétrolières accusées d’avoir formé un cartel auraient tout simplement dû s’associer pour demander au gouvernement un prix minimum de l’essence. Elles auraient ainsi obtenu, légalement, ce qu’elles tentaient d’avoir par la dissimulation. Ah, mais j’oubliais ! Le prix minimum de l’essence existe déjà au Québec…

Bizarre tout de même, la myopie dont nous faisons preuve face au gouvernement. Les gouvernements sont, en fait, la plus importante source de monopoles et de cartels dans l’économie.

Allons-y avec les cas les plus flagrants de création et de maintien de cartels (et d’arrangements qui aboutissent au même résultat) par les gouvernements : le cartel des producteurs de lait, celui du sirop d’érable, des œufs, de la volaille (limitation de la production par l’émission de quotas), le cartel du taxi (limitation du nombre de permis), les cartes de « compétence » dans les métiers de la construction et les autres cartels syndicaux, etc.. Et tous les secteurs protégés par des politiques commerciales protectionnistes. Finalement, n’oublions pas les monopoles créés par la législation : alcool, électricité, jeux.

Surprise : le gouvernement, par ses lois et règlements, est responsable de la création et du maintien des plus importants cartels dans l'économie. Et d’une importante perte de bien-être pour les consommateurs. Nous devrions donc nous réjouir, et non pas nous inquiéter, devant la possibilité de disparition des cartels agricoles.