mercredi 9 juillet 2008

À mort les cartels ? OK, mais tous ! (La Presse, 11 juillet 2008)

On discute ces jours-ci de la disparition éventuelle du système de gestion de l’offre des produits agricoles au Canada. Il y a quelques semaines, les journaux rapportaient que le Bureau de la concurrence avait mis à jour une conspiration contre le public, alors que 13 personnes et 11 entreprises ont été accusées d’avoir formé un cartel dans le marché de l’essence à Sherbrooke, Magog, Thetford Mines et Victoriaville. Quel lien y a-t-il entre ces deux événements ? Pour répondre à cette question, il est utile de comprendre ce qu’est un cartel.

Un cartel est un regroupement de producteurs qui s’entendent pour maintenir les prix élevés, en réduisant la concurrence. Ceci peut leur permettre d’augmenter leurs profits en émulant le comportement d’un monopole. Notons qu’un monopole et un cartel (qui fonctionne), c’est du pareil au même. Les deux conduisent à une réduction de la production et à une hausse des prix.

Évidemment, on a pu voir le public s’émouvoir d’un tel comportement chez les détaillants d’essence et réclamer plus de vigilance de la part du gouvernement, ainsi que des pénalités exemplaires pour les coupables. À raison, car la concurrence est essentielle au bon fonctionnement du marché.

Il y a, en fait, deux façons pour des producteurs d’obtenir moins de concurrence et plus de profits. Premièrement, ils peuvent tenter de former un cartel. Mais c’est compliqué, car les cartels sont instables et ... illégaux. En effet, une fois le cartel formé, chacun a intérêt à tricher, en profitant de la réduction de la concurrence des autres pour augmenter la sienne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les entreprises fautives dans le domaine de l’essence se situent là où le nombre de concurrents est faible : il est plus facile de s’entendre à cinq, en région, qu’à mille à Montréal. Et il y a toujours le danger de se faire prendre la main dans le sac.

Deuxièmement, les firmes peuvent former une association, financée par ses membres, qui fera du lobbying, afin d'obtenir une loi qui contraindra tout le monde à réduire la concurrence. D'où les lois sur la gestion de l’offre en agriculture. La gestion de l’offre, c’est très simple : pour produire un bien, le lait par exemple, il faut détenir un permis. On limite le nombre de permis, ce qui réduit la production et permet de maintenir des prix élevés. Comme le gouvernement impose lui-même le système des quotas, par la coercition, tout est réglé.

Il est particulièrement cocasse de voir que les entreprises pétrolières accusées d’avoir formé un cartel auraient tout simplement dû s’associer pour demander au gouvernement un prix minimum de l’essence. Elles auraient ainsi obtenu, légalement, ce qu’elles tentaient d’avoir par la dissimulation. Ah, mais j’oubliais ! Le prix minimum de l’essence existe déjà au Québec…

Bizarre tout de même, la myopie dont nous faisons preuve face au gouvernement. Les gouvernements sont, en fait, la plus importante source de monopoles et de cartels dans l’économie.

Allons-y avec les cas les plus flagrants de création et de maintien de cartels (et d’arrangements qui aboutissent au même résultat) par les gouvernements : le cartel des producteurs de lait, celui du sirop d’érable, des œufs, de la volaille (limitation de la production par l’émission de quotas), le cartel du taxi (limitation du nombre de permis), les cartes de « compétence » dans les métiers de la construction et les autres cartels syndicaux, etc.. Et tous les secteurs protégés par des politiques commerciales protectionnistes. Finalement, n’oublions pas les monopoles créés par la législation : alcool, électricité, jeux.

Surprise : le gouvernement, par ses lois et règlements, est responsable de la création et du maintien des plus importants cartels dans l'économie. Et d’une importante perte de bien-être pour les consommateurs. Nous devrions donc nous réjouir, et non pas nous inquiéter, devant la possibilité de disparition des cartels agricoles.

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